Nothing but the truth. Even if against me.

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Thursday, September 28, 2023

La France-Autruche au Liban

Dans ses allées et venues incessantes au Liban, Yves le Drian dit vouloir aider le Liban à surmonter sa « crise ». Combien de fois avons-nous entendu ce refrain sur les 4 ou 5 décennies précédentes ? Le même refrain que les Américains dont l’antipathie pour le Liban, le chrétien surtout, a des racines profondes. 

En tant que tremplin pour l’Occident colonial pendant le 19eme siècle, le Liban a servi la France du fait de la pseudo-catholicité des Maronites. Les américains, eux, avaient une légère longueur d’avance : l’université américaine, baptisée alors le Syrian Protestant College, est née en 1866, une décennie avant l’université Saint Joseph des jésuites (1875), moins pour des objectifs politiques que par un souci obsessif de promouvoir leur protestantisme puritain, combattre le « papisme » catholique, et gagner des fidèles, non seulement parmi les Musulmans, mais aussi parmi ces faux Chrétiens, les maronites. Eventuellement, ce Petit Liban multiconfessionnel, déjà atomisé par d’innombrables sectes chrétiennes, et n’ayant pas de place pour encore une autre secte, en l’occurrence protestante, fut une déception pour les missionnaires américains qui finirent par détourner leur mission religieuse vers une entreprise avec un but soi-disant pédagogique.

La naissance du Grand Liban, on se rend compte aujourd’hui, fut une erreur magistrale de la part de l’église maronite qui imposa ce monstre hybride à la France mandataire. La gauche française ne cessa d’avertir les Maronites contre leur dessein d’élargir la Mutassarifiyah autonome du Mont Liban de 1865 en y incorporant des régions syriennes musulmanes, car cela ferait d’eux une minorité. Pour les inciter à renoncer à leur projet du Grand Liban, cette France de gauche leur offrit le statut de Protectorat. Par contre, la droite française - catholique, coloniale et monarchique - favorisait l’idée du Grand Liban et finit par se rallier à la cécité stratégique de l’église maronite qui était motivée par deux objectifs : le premier, idéologique, était de donner une identité moins arabe au Liban en y ressuscitant l’idéologie phénicianiste, qu’elle revendiquait à moitié puisqu’elle risquait d’évincer le religieux au profit du paganisme ; le second, économique, était de rendre le pays auto-suffisant dans son agriculture par l’annexion de la Békaa et du Akkar après la famine de 1916.

A la naissance du Grand Liban en 1920, les Américains furent obligés, à contrecœur puisqu’ils préféraient avec les Britanniques une grande Syrie ou une grande Arabie, de changer le nom du Syrian Protestant College en American University of Beirut, une appellation où le nom du Liban est criant par son absence. Pour les anglo-saxons, le Grand Liban était, et reste, une aberration dont il valait mieux éviter le nom.  Ayant compris qu’ils n’avaient pas de place parmi les innombrables sectes chrétiennes du Liban, les Américains se tournèrent par dépit ou par défaut vers les druses, chez qui ils fondèrent en 1922 la Presbyterian mission school a Souk El-Gharb, suivis par les Britanniques avec leur Middle East Centre for Arab Studies (MECAS) qui fut transféré de Jérusalem à Shemlane, tout près de l’école américaine, en 1947 avec la naissance d’Israël.

Avec la déchéance de la France comme super puissance après la deuxième guerre mondiale, et l’animosité grandissante entre la France de De Gaulle et Washington, la France fut graduellement évincée de son rôle de protectrice des maronites du Liban sans pour autant que l’Amérique ne prenne le relais, d’abord du fait de son antipathie historique envers les maronites, puis par la disponibilité d'une minorité plus complaisante et nouvellement implantée dans la région, l’Israël juif, comme tremplin alternatif pour assoir sa politique pétrolière envers le Moyen-Orient musulman.

Alors commença le long déclin du Grand Liban moderne, malgré une brève période de prospérité entre les années 1940 et 1960. Il y eu d’abord les revendications nationalistes arabes de Nasser, suivies par la « révolution palestinienne » de Arafat, puis l’intervention des syriens du Baath, et enfin la « résistance » iranienne du Hezbollah, toutes soucieuses de réduire à néant cette aberration chrétienne en terre musulmane, d'autant plus qu'elle etait plus facile à tourmenter que les juifs d'Israël. Pourtant cette dégradation du Grand Liban fut voulue autant par l’hostilité arabo-musulmane que par l’indifférence impuissante des Français et l’animosité des Américains envers les maronites.

Les démarches de Mr. Yves Le Drian, envoyé spécial d'Emmanuel Macron pour le Liban, commencent d’abord par soutenir le candidat du trio Iranien-Syrien-Hezbollah, le chef féodal du nord Liban Sleiman Frangiyeh, un vassal du boucher de Damas Bashar Assad. Cette solution française fut clonée sur l’accord de Doha de 2008, ce qui suggère que la France n’avait que faire du Liban et le traitait du bout des lèvres, qui consistait à jumeler un président pro-Syrien comme Frangiyeh avec un chef de gouvernement pro-Saoudien, Mr. Nawwaf Salam. Un bel exercice d’équilibre au dessus du gouffre croissant. Cette formule avait longtemps fait ses preuves de faillite monumentale dans le cadre de la farce de la « démocratie consensuelle ». Alors que les Syriens s’assuraient de la pérennité de cette farce jusqu’en 2005, elle fut reprise en 2008 dans l’accord de Doha, au Qatar, après que le Hezbollah déploya son armée sur le terrain pour empêcher toute velléité libanaise de s’affranchir de la tutelle irano-syrienne. Elle servit même en 2016 lors de l’élection de Michel Aoun, girouette anti- puis pro-Syrienne, à la présidence.  Cette formule de « consensus » maintenait au pouvoir l’ensemble de la classe politique corrompue qui, depuis des décennies, ne cessait de gangrener la gouvernance du pays. C’est une « solution » façonnée sur ces échecs que Le Drian proposa d’abord aux libanais. L’opposition chrétienne la rejeta.

Dans une deuxième phase, les Français reculèrent légèrement mais continuèrent à amadouer l’Iran et la Syrie en soutenant l’appel au dialogue du duo Shiite, le Hezbollah pro-iranien et le parti pro-Syrien Amal du président de la chambre Nabih Berri. Il faut comprendre, et les français ne sont pas dupes pour prétendre ne pas comprendre, que le « dialogue » au Liban a longtemps été l’arme préférée des anti-démocratiques afin de contourner la constitution. Dans l’histoire de la démocratie, les parlements ou assemblées représentatives étaient elles-mêmes conçues comme lieux de dialogue, après quoi la décision finissait par un vote et une adoption par majorité des voix. Alors comment expliquer que la France soutienne ceux qui appellent au « dialogue » tout en bloquant et empêchant le dialogue-vote au parlement ? Un vote en séances successives jusqu’à l’élection d’un président est l'essence même du dialogue en democratie parlementaire; pourquoi donc est-il rejeté par les mandataires libanais (Amal et Hezbollah) des irano-syriens ?  Pourquoi la France continue de s’engager avec le Hezbollah, pourtant une organisation terroriste aux yeux de la majorité des états européens, responsable de l’assassinat de plusieurs citoyens français lors des enlèvements et des attentats-suicides des années 1980, notamment l’attaque d’octobre 1983 qui tua 58 parachutistes français du Drakkar qui étaient venus au Liban en force de maintien de la paix ?

En l’état actuel des choses, l’opposition libanaise – la pluralité des chrétiens et une bonne partie de sunnites – en a ras le bol de la mainmise du Hezbollah sur le Liban, et ne demande qu’une seule chose très évidente at simple : aller au parlement et suivre l’ordre constitutionnel en séjournant dans la chambre en sessions successives, sans sortir de la chambre, jusqu’à l’élection d’un président. L’appel au "dialogue" par Hezbollah et Amal n’est qu’un leurre. Lors des assemblées précédentes du parlement pour l’élection d’un président, les députés du Hezbollah et Amal, n’ayant pas obtenu l’élection de leur candidat Frangiyeh lors d’un premier vote, quittent la chambre, abolissent le quorum, et avortent les séances successives.

La France n’est pas honnête dans ses approches avec le Liban. Elle se doit d’exiger que le "dialogue" consiste en des séances de vote successives au parlement jusqu’à l’élection d’un président. L’opposition a nommé son premier candidat, Mr. Michel Moawad. Face aux obstructionnistes qui le considéraient comme un candidat de « confrontation », l’opposition a nommé un second candidat, un économiste non-politicien, Mr. Jihad Azour, que le duo Shiite se dépêcha aussitôt de rejeter. L'intransigeance du duo Shiite n'a qu'un but: miner la republique et détruire ses institutions, tant qu'il y a une chance que le Liban échappe aux tenailles des regimes vulgaires de la Syrie et de l'Iran.

Est-ce que la France et tout autre ami du Liban vont finalement comprendre que le mal qui ronge le Liban est l’existence même du Hezbollah, une organisation armée a l’allégeance exclusive à l’Iran, plus forte que l’armée libanaise, et qui ne déposera jamais ses armes tant qu’Israël existe ? Quand est-ce que tous ces soi-disant amis du Liban vont se rendre à l’évidence que nulle de leurs initiatives et démarches ne réussira dans les conditions actuelles ?

Tant que le Hezbollah est ce qu’il est, et qu’il continue à faire ce qu’il a fait depuis des décennies – terrorisme, assassinats, guerres avec Israël, blocage du processus democratique…. – Le Liban continuera à s’enliser dans des sables mouvants de violence, migrations illégales, contrebande, corruption, trafic de drogue, armes et mercenaires, et ingérence extérieure. La politique française et occidentale de l’autruche ne fera que retarder l’inévitable. Si l’intention est de vraiment sortir le Liban de sa prison iranienne et syrienne qui dure depuis une quarantaine d’années, soit le Hezbollah doit désarmer, par la force s'il le faut, soit couper le cordon ombilical qui le nourrit à partir de l’Iran via la Syrie, soit faire tomber les deux régimes. Il n’y a pas d’autres solutions. Convaincre ces terroristes baathistes ou ultra-religieux par des arguments de raison a jusqu’à présent échoué.

Sinon, les appels des chrétiens du Liban à un retour vers le petit Liban de l’avant première guerre mondiale, à la neutralité, au fédéralisme, ou toute autre forme de séparation avec les musulmans vont continuer en crescendo. Le calvaire des chrétiens arméniens depuis plus d'un siècle vient de se prolonger avec la perte et l'exode du Haut Karabakh, grâce à une soumission des intérêts occidentaux aux diktats de la dictature musulmane de Ilham Aliyev en Azerbaijan. Les libanais chrétiens sont depuis des decennies pris dans le même engrenage et risquent un même sort du fait de l'emprise, d'abord militaire et maintenant demographique, de la Syrie et de ses multiples alliés arabo-muslumans. Le moment venu, le Liban sombrera dans la violence, et des millions de libanais, syriens et palestiniens, longtemps tourmentés par les malaises chroniques qui ronge la région, prendront la mer vers l'Europe. L'Europe, la France en particulier, ne doit plus se targuer, comme les tartuffes américains, de promouvoir des "valeurs" aux senteurs de pétrole. Il est vrai que le Grand Liban n’a jamais bien fonctionné, mais c'est en grande partie à cause de cette duplicité occidentale. Reste qu'il est encore possible de le sauver, mais il y a un prix à payer. Mieux le payer maintenant qu'attendre que les énergies renouvelables déplacent les intérêts occidentaux ailleurs.

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